Les Etats-Unis au pied du mur.

Ça y est ! Aux Etats-Unis, un record peu élogieux vient d’être pulvérisé : celui du plus long shutdown jamais enregistré dont personne ne sait lorsqu’il se terminera.

 

Mais qu’est-ce le shutdown ? Une panne de courant massive ? Une grève générale d’une importante entreprise ? Que nenni. Le shutdown est une procédure prévue dans la Constitution des Etats-Unis qui prévoient qu’en cas de désaccord dans les deux du Congrès (la Chambre des Représentants et le Sénat) sur la fixation du budget pour l’année à venir, le pays tourne au ralenti à travers la fermeture de plusieurs sites (comme les parcs nationaux et les musées) et le non-paiement des fonctionnaires fédéraux. Celui-ci se poursuivra jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé. Or, celui-ci ne risque pas de venir de sitôt.

 

Et pour cause : la discorde se porte sur le projet de Donald Trump d’inclure dans le budget 2019 la construction de son mur à la frontière mexicaine (une de ses promesses de campagne, NDRL) afin de bloquer l’immigration illégale mexicaine devenue américaine avec les caravanes d’Amérique centrale. Face à lui, les élus démocrates refusent d’y inclure les 5 milliards de dollars réclamés par le Président en considérant ce projet comme inutile et immoral. Connu pour son tempérament combatif et peu enclin à négocier, Trump n’est pas prêt d’abandonner son projet et se dit paré à poursuivre le shutdown aussi longtemps de possible. Et tant pis si ce sont les citoyens qui doivent payer cet acharnement.

 

Le budget, un sujet houleux

 

Dans tout pays démocratique, le budget est discuté et adopté au Parlement car il constitue la feuille de route de l’action politique pour l’année à venir. Même si le gouvernement a déjà rédigé son programme pour sa législature, celle-ci ne peut être menée sans le financement derrière. C’est la fonction majeure du budget.

 

Comme pour les ménages et les entreprises, il est divisé entre les recettes et les dépenses. Les recettes comprennent les taxes (aïe), les accises (ouille), les exportations, les dividendes dans les secteurs où l’Etat est actionnaire et les opérations commerciales et financières. Les dépenses comprennent le financement des services publics (y compris le salaire des fonctionnaires), les importations, les achats à l’étranger, les projets de construction et de rénovation et la mise en place de nouveaux services. Cette liste n’est cependant pas exhaustive car l’Etat peut toujours trouver de nouveaux moyens pour financer ses projets.

 

Bien qu’il englobe l’essentielle des projets du gouvernement, le budget n’est pas parfait pour diverses raisons.

 

D’abord, il est confectionné sur base de prévisions, des estimations prévues selon des calculs qui se basent eux-mêmes sur des données actuelles. Or, celles-ci peuvent fluctuer selon les circonstances comme la courbe de croissance dont une valeur plus faible peut impacter le budget car les recettes prévues seront plus faibles qu’envisagées.

 

Ensuite, les calculs sont réalisés par des humains animés par leurs conceptions de la société et confiants pour les conséquences sur base des décisions prises pour régler les sujets délicats. Cependant, ils ne sont pas maîtres des effets pervers ni des résultats de leurs mesures. Cela signifie donc que le budget s’en retrouvera impacté avec des recettes parfois plus élevées, parfois plus faibles que prévu.

 

Enfin, le budget se réalise dans le cadre d’une situation dite normale où la situation est sous contrôle. Hors prévision, d’autres données peuvent ponctuer le calcul et modifier totalement le budget. L’Etat ne peut faire face aux imprévus, surtout si celles-ci n’ont pu être anticipées que ce soit par la soudaineté liée à l’actualité directe ou par un long processus de procrastination dont les effets apparaissent en pleine face.

 

Le cas des Etats-Unis relève un quatrième problème que la plupart des démocraties européennes ne connaissent pas : les négociations. Souvent, il s’agit d’un processus comparable à l’adoption d’une loi marquée par l’éternelle majorité contre opposition. Aux Etats-Unis, c’est plus complexe.

 

Shutdown, la chute profonde

 

Prenez un Congrès divisé en deux Chambres contrôlés par deux partis différents en sachant qu’il n’y a que deux partis dans ceux-ci en raison de leur poids politique, financier et médiatique. Ensuite, supposez que chaque élu agit différemment d’un autre car il peut décider de se rallier à son parti ou de faire cavalier seul (c’est ce qu’on appelle la discipline de parti). Enfin, rajoutez un Président déterminé refusant de négocier si son projet phare n’est pas retenu. Vous avez la recette parfaite pour une longue période de conclave budgétaire sans issue.

 

En attendant, ce sont les fonctionnaires fédéraux qui paient les conséquences car durant cette période d’incertitude, la plupart ne sont pas payés pour leur travail ou sont placés au chômage technique. Ce blocage impacte aussi l’économie du pays où près d’un milliard de dollars est perdu chaque semaine selon les économistes.

 

Quant aux solutions, Trump ne désemplie pas sur la surenchère de la provocation : remplacer le béton par de l’acier pour diminuer les coûts ou utiliser le fond d’urgence normalement dédié … aux catastrophes naturelles. Dans tous les cas, le mur est un projet qu’il refuse d’abandonner et adopte donc la stratégie de la terre brulée : faire payer aux citoyens les conséquences du shutdown en accusant les démocrates d’en être responsables pour les culpabiliser. Stratégie que les démocrates adoptent aussi. A la guerre comme à la guerre, excepté que, comme dans la vraie avec les bombardiers, ce sont les civils qui paient les conséquences des dirigeants déconnectés du terrain.  

 

Source

 

Aubrit Léa, Etats-Unis :c’est quoi le « shutdown » ?, la Nouvelle République, https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/c-est-quoi-le-shutdown, 10 janvier 2019

Le shutdown devient le plus long de l’histoire des Etats-Unis, Le Monde, https://www.lemonde.fr/international/article/2019/01/12/le-shutdown-du-gouvernement-des-etats-unis-devient-le-plus-long-de-leur-histoire_5408158_3210.html, 12 janvier 2019

 

Recettes de l’Etat, la finance pour tous, https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/politiques-economiques/economie-francaise/comptes-publics/le-budget-de-letat/recettes-de-l-etat/, 19 juillet 2018