Presser la liberté des médias pour mieux les contrôler.

Contre-pouvoir, fake news, structures à surveiller, dangers, organismes trop curieux. Voilà ce que pensent certaines personnalités politiques lorsqu'elles parlent des médias libres. Bien qu'il soit compréhensible qu'elles leur en veulent pour fourrer leur nez dans leurs affaires, remettre en cause leur travail via la pression exercée par leur fonction ou le pouvoir qu'elles détiennent est une atteinte grave à la liberté de la presse, l'un des piliers fondamentaux de la démocratie.

 

Journaliste, futur métier à risque?

 

Cela est déjà le cas dans plusieurs pays totalitaires et autoritaires où la presse est constamment surveillée voire embrigadée pour servir d'organe de propagande. Gare aux déviants qui connaîtront les joies du licenciement, de l'emprisonnement voire de l'exécution sommaire. Heureusement, cela n'est pas le cas en démocratie.

 

La liberté de la presse est l'un des principes les plus importants dans une société dite démocratique. Le rôle des médias est d'informer la population sur l'actualité sans déformer la réalité observée pouvant servir les intérêts personnels d'un groupe ou d'un individu influent. Même si les articles peuvent se montrer durs, les personnes visées évitent de s'acharner sur les médias sauf si elles considèrent que le but recherché est la diffamation et la calomnie. Ce sera alors à la justice de trancher.

 

Cependant, tous ne souhaitent pas respecter cette liberté, jugée nocive pour leurs activités. La Belgique, et plus particulièrement sa partie francophone, est bouleversée par plusieurs affaires où des administrateurs d'intercommunales issus du monde politique ont profité de leur statut pour s'accorder des rémunérations exagérées voire illégales. Le directeur de l'asbl Samusocial Michel Degueldre a envoyé un mail aux trois directeurs pour leur demander de mener une enquête approfondie sur la vie, les études et la famille de journalistes de la RTBF et du Vif qui s'intéresseraient de trop au dossier[1]. Bien que cette requête ne reçut aucune suite, cela démontre la volonté de certains dirigeants de se défendre via des méthodes peu conventionnelles dans une démocratie, comme la surveillance de journalistes trop curieux. Si la demande avait été suivie, cela aurait-il abouti à des chantages et des menaces? Nul ne le sait mais vu la teneur du mail, une personne bien plus importante et moins scrupuleuse n'aurait pas hésité à le faire...

 

En guerre contre la presse : Trump s'en prend à CNN

 

Aux Etats-Unis, la liberté est une valeur sacrée, elle est défendue par le premier article de la Constitution. La presse jouit de cette protection pour effectuer son travail librement malgré les pressions d'élus politiques dont le plus controversé : Donald Trump, le Président lui-même.

 

La vidéo le montrant frapper Vince McMahon, le directeur de la WWE, dont la tête fut remplacée par le logo de CNN a fait grand bruit [2]. Bien que l'entourage du Président temporise en arguant que ce geste violent n'est qu'un symbole de la guerre contre les fake news du journal incriminé, les détracteurs y voient un appel à la violence contre les médias jugés nocifs pour Trump. Et ce n'est pas la première provocation de la part du locataire de la Maison blanche.

 

Donald Trump a une arme de prédilection pour diffuser ses idées : Twitter. Justifiant son utilisation abusive par la nécessité de la modernité en raison de l'importance des réseaux sociaux, il souhaite créer une alternative en instaurant un canal direct entre lui et ses citoyens sans passer par les journaux accusés de propager les fake news. Ce comportement intrigue non seulement la classe politique mais aussi les citoyens et même des médecins se demandant si Trump dispose de ses pleines capacités cérébrales pour diriger son pays. Pour comprendre cet acharnement contre les médias, il faut comprendre le Président.

 

Donald Trump vit dans un monde construit selon la bipolarité "winner-loser". Les winners sont ceux qui réussissent leur vie grâce à une entreprise florissante. Les losers sont ceux qui ont échoué et finissent à la rue. Pour éviter de finir comme un loser, il faut se battre et prendre des risques. Le problème de cette rhétorique est qu'elle considère l'échec comme inexistant car cet attribut n'est réservé qu'aux losers. De ce constat, Trump n'avouera jamais qu'il a connu des ratés dans sa vie et préfère considérer les mauvaises affaires comme des étapes le menant vers la réussite, faisant de lui un winner. La victoire aux élections présidentielles est le dernier exemple en date. Malgré les sondages l'annonçant perdant, il finit par les remporter grâce au vote des grands électeurs (et non celui de la population).

 

Pour Trump, cette victoire est le fruit d'un travail de communication efficace ayant réussi à toucher la population lésée par le système. Cependant, les médias ont une autre explication : le camp démocrate fut victime de piratages où des mails compromettant leur candidate, Hillary Clinton, ont circulé sur Wikileaks. Derrière ces actes malveillants se cacherait la Russie, accusée, au lendemain de la victoire du candidat républicain par les Démocrates, d'interférence dans les élections. Dernièrement, les journaux ont écrit des articles où Donald Trump Jr a rencontré une avocate russe proche du Kremlin qui lui aurait fourni des informations compromettantes contre Clinton, information confirmée par plusieurs témoins présents. Si cela s'avérerait vrai, ce serait grave car la thèse de l'interférence russe se confirmerait. Ce serait alors une justification supplémentaire pour enclencher la procédure d'impeachment.

 

Mais Trump ne l'entend pas de cette oreille. Sa vision bipolaire l'interdit d'avouer sous peine d'égratigner sa posture de winner. Il décide alors de s'isoler dans sa bulle en rejetant tous ceux qui agiraient contre lui. Outre le limogeage du directeur du FBI, James Comey, officiellement pour la mauvaise gestion de l'enquête sur les mails de Clinton mais officieusement pour son investigation sur les interférences russes[3], il dénonce la campagne diffamatoire lancée par CNN afin de porter atteinte à son honneur via la propagation de fake news.  

 

Le but de Trump est de se protéger en lançant une campagne de dénigrement contre les médias hostiles puis privilégier son canal de communication via Twitter. Mais il ignore que ses tweets peuvent se retourner contre lui car un député démocrate propose de les archiver. Et lorsque ses détracteurs l'attaquent sur son terrain, Trump répond par la censure via le blocage de leurs comptes.

 

S'attaquer à la liberté d'expression est un sacrilège aux Etats-Unis. Le président des Etats-Unis ne peut pas user de son poste pour contraindre les médias de se plier à sa volonté au nom de la séparation des pouvoirs, même si le monde médiatique n'est pas scientifiquement reconnu comme le quatrième pouvoir. Trump n'en a pas besoin car il opte pour la communication directe des réseaux sociaux. Or, c'est une manière de contourner la liberté de la presse via l'instauration d'un canal servant de propagande contre les "fausses" informations des médias traditionnels.  

 

Ne croyez pas qu'il est le seul à le faire. La liberté de la presse implique aussi le libre-choix des alternatives pour s'informer. Internet et les réseaux sociaux sont devenus une nouvelle source d'informations (et de véritables fake news). Les citoyens éduqués ne font pas que lire sans réfléchir, ils doutent aussi de ce qu'ils lisent et souhaitent s'informer autrement en consultant d'autres sources, parfois plus scientifiquement poussées, parfois surfeuses de tendances populistes. Quelque soit le but recherché par les sites et les supports traditionnels, l'objectif majeur est la rentabilité et aux Etats-Unis, les médias doivent mélanger informations et divertissements. Ne soyez pas surpris que l'actualité people soit à la une des journaux malgré les scandales politiques, c'est pour la vente.

 

La guerre en Irak contre la presse "dissidente"

 

Bien que la liberté de la presse soit considérée comme un droit fondamental, elle comporte cependant des exceptions. Parmi celles-ci figure l'état de guerre où toute les couches de la population doivent participer à l'effort, y compris les médias qui deviennent des organes de propagande. Leurs rôles sont de s'assurer que les articles ne puissent servir les intérêts de l'ennemi et que le moral des troupes et des civils soient maintenu à un seuil suffisant pour empêcher les mutineries et les protestations pouvant déboucher sur une guerre civile.

 

Avec l'évolution technologique, l'information est devenue une arme de plus en plus importante. La guerre des propagandes fait partie intégrante de la stratégie militaire visant à informer et désinformer la population civile pour mieux la manipuler. Outre la radio, les journaux télévisés jouent sur la scène internationale grâce aux satellites, leur permettant ainsi d'être vus à l'étranger, les poussant même à développer des succursales et des émissions dans différentes langues. L'Internet renforce cette concurrence via la mise en place de sites de propagande à la portée des novices.

 

Mais qu'en est-il d'une guerre menée à des milliers de kilomètres dont les véritables raisons restent obscures aux yeux de la population? La guerre en Irak de 2003 marqua la rupture entre l'intégrité journalistique en quête de vérité et la censure intérieure et extérieure au nom du patriotisme.

 

Suite aux attentats du 11 septembre 2001, un élan patriotique s'empara de toute la population contre les terroristes responsables des attentats. La lutte contre le terrorisme devint la priorité pour l'administration de George W. Bush, quitte à se mettre le reste de la communauté internationale à dos. Selon lui, le monde se divise en deux camps : ceux qui soutiennent les Etats-Unis et ceux qui sont contre lui. Cette bipolarisation s'est appliquée lors de l'invasion de l'Irak en 2003 sans le consentement du Conseil de Sécurité de l'ONU mais seulement avec plusieurs pays "alliés" (les gentils supporters, pas les méchants contre l'usage de la force). Les raisons invoquées furent la présence d'armes de destruction massive opérationnelles et le soutien du régime militaire de Saddam Hussein à Al Qaeda, le groupe terroriste derrière les attentats. Tout ceci était faux car il n'y avait pas d'armes en état de fonctionnement et l'armée irakienne luttait contre les terroristes menaçant la cohésion nationale. L'administration étasunienne le savait mais avait besoin de ces mensonges pour intervenir afin d' accomplir leur véritable objectif : faire de l'Irak le pivot de la démocratie du Proche-Orient. C'est là que les médias interviennent.

 

L'entrée en guerre des Etats-Unis ne se réalise pas facilement. Le Président doit convaincre les deux chambres du Congrès de sa nécessité. Or, durant la période post-attentat, une union nationale fut instaurée contre le terrorisme islamique, laissant le champs libre à l'administration Bush de décider sans véritable opposition fédérale. Quant à la population, il faut aussi la convaincre et inciter les jeunes à rejoindre l'armée. Les médias sont appelés à servir de relais pour montrer le danger (fictif) que représente l'Irak contre les Etats-Unis. La censure est à la fois intérieure et extérieure au nom du sentiment patriotique appelant à soutenir la guerre.

Extérieure car le Pentagone surveille les articles pour s'assurer qu'il n'y ait que des bonnes nouvelles, c'est à dire celles que les généraux donnent lors des conférences de presse où les journalistes sont priés de noter sans remettre en cause les dires.

 

Intérieure car le patriotisme devient la norme à respecter dans le milieu journalistique. Celui qui ose dévier de cette ligne en restant intègre devient la bête noire de son entreprise. Lynchage, pression, insultes, menaces, mise à l'écart. Tels sont les châtiments qui lui sont réservés. Un vrai journaliste est le patriote qui sert son pays en relayant la propagande de guerre afin de contrer celle des "ennemis", c'est à dire les médias libres européens, Al Jazeera ... et les journaux indépendants refusant d'y prendre part [4].

 

Ce qui est innovant avec cette guerre est la participation des médias dans la diffusion du mensonge qui bouleversa le Proche-Orient avec les conséquences de nous observons encore aujourd'hui. Qu'importe se disent les rédacteurs en chef. La guerre est une marchandise permettant de vendre des journaux. Tant qu'ils parlent de la guerre en Irak dans le sens du poil des citoyens patriotes, les ventes continueront, laissons-les dans leur rêve du triomphe des valeurs des Etats-Unis d'Amérique face à la barbarie de la dictature irakienne. Ainsi a parlé the Voice of America.

 

Mais toute propagande de guerre à une fin. Normalement, elle se termine lorsque la paix est entérinée entre les factions. Pour celle-ci en revanche, le doute commencera un an après son déclenchement. Des journalistes commencèrent à avouer leur implication dans la diffusion du mensonge d'Etat. Même Bill O'Reilly, le rédacteur en chef de Fox News qui y a activement participé, reconnut à ses téléspectateurs la manipulation médiatique auquel il a contribué et s'en excusa[5]. Au fil des années, la vérité finit par éclater : cette guerre ne servit à rien, il n'y avait pas d'armes de destruction massive ni de lien entre Saddam Hussein et Al Qaeda. Ce que l'administration Bush craignait arriva : la population civile n'était plus docile, l'union patriotique s'est estompée, la guerre n'est plus populaire tout comme son Président qui pourtant remporta les élections en 2004[6].

 

Vouloir manipuler les médias est un objectif pour un chef d'Etat refusant les critiques intérieures et extérieures. Utiliser la guerre contre le terrorisme pour justifier la censure est une méthode employée en 2003 pour y parvenir mais la principale faille est la période liée entre le contrôle et le conflit en question. Lorsque le second se termine ou entre dans une phase de lassitude, le premier s'exerce de moins en moins. Pour éviter cette déconvenue, certains élus politiques vont plus loin. Ils souhaitent contrôler les médias ... en temps de paix. 

 

Connivence et amitié : la censure Sarkozy

 

La presse libre doit bénéficier de l'impartialité dans le choix des sujets. Elle prend souvent ceux qui pourraient faire les gros titres tels que des scandales politiques, des tragédies ou un événement international de grande envergure. Cependant, certains d'entre eux ne font guère le bonheur d'élus politiques qui souhaiteraient les supprimer ou demander le départ de certains présentateurs. En France, un homme fut reproché d'avoir effectué de telles pratiques via la connivence avec des directeurs de médias, allant jusqu'à exercer des pressions et s'ingérer dans la gestion des journaux : Nicolas Sarkozy.

 

 Les ingérences auraient commencé dès 2005, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, suite à la diffusion d'un reportage de Sept à Huit sur TF1 sur les relations tendues entre forces de l'ordre et les jeunes de banlieue, sujet qui aurait déplu à Sarkozy en raison de déclarations de policiers nuisant à l'image de la police.

 

Et sous sa présidence, la situation ne s'est pas arrangée : interdiction à Paris Match de publier un article compromettant sur Cécilia Sarkozy, annonce précoce de l'arrivée d'Harry Roselmack avant TF1 pour remplacer Patrick Poivre d'Arvor, crise de colère révélée suite à la fuite d'une scène coupée d'un entretien sur France 3 [7]. Quelques exemples démontrant le contrôle caché qu'exerçait l'ancien président.

 

Le système  ne consiste pas à utiliser d'appareils d'Etat pour interférer directement dans la presse mais des liens d'amitié. Ainsi, pour éviter la publication de l'article sur Cécilia, un coup de fil à Arnaud Lagardère, directeur de Paris Match, a suffi pour modifier la une d'un journal. Le danger ne vient pas de la censure d'Etat mais du contrôle invisible d'un seul homme ne reculant devant rien pour s'assurer de la mainmise médiatique.

 

Outre les pressions et les ingérences, Nicolas Sarkozy fut aussi accusé d'avoir utilisé le DCRI (Division centrale du renseignement intérieur) pour mettre sous surveillance des journalistes enquêtant sur des dossiers compromettant, comme l'affaire Bettencourt, ou d'avoir envoyé des officines pour cambrioler les habitations des journalistes enquêtant sur cette affaire[8]. La gravité vient de l'emploi de services conçus pour la sécurité de l'Etat à des fins personnels. Ceci est considéré comme une violation grave de la liberté de la presse car le droit à l'anonymat des sources n'est plus garantie si elles sont traquées comme des espions étrangers.

Tout comme Donald Trump, Nicolas Sarkozy soigne son image à tout prix, quitte à s'en prendre aux médias hostiles non pas par la provocation et l'appel à la méfiance mais via un réseau d'amis en qui il peut avoir confiance. Et si ceux-ci refusent de lui obéir, il les remplace grâce à une loi de 2009 où ce n'est plus le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) qui se charge des nominations mais le Président lui-même[9].

 

L'impartialité, le choix libre des sujets et la protection des sources sont des critères importants pour la liberté de la presse mais ils sont mis à mal lorsque le monde politique décide de s'ingérer au nom des intérêts personnels. Pour parachever son contrôle total, il ne lui manquait qu'un élément : le poste de directeur des chaînes médiatiques. Élément qu'un autre homme politique parviendra à accomplir.

 

L'empire politico-médiatique de Berlusconi

 

La démocratie ne peut être garantie que par la séparation des intérêts publics et privés. Les premiers ne peuvent servir les seconds sous peine de tomber dans l'autoritarisme silencieuse où les institutions démocratiques sont abusées voire bafouées pour le bien d'un seul homme. La presse doit respecter cette différenciation des intérêts sous peine de devenir un instrument au service d'un individu abusant de ses fonctions à titre personnel et non au service des citoyens.

Et pourtant, cette situation a existé en Italie pendant près d'une vingtaine d'années sous la direction d'un Président de conseil (titre officiel du premier ministre italien) controversé en raison des inculpations liées à des financements illégaux mais surtout par l'abus de pouvoir qu'il a joui : Silvio Berlusconi.

 

Contrairement à Trump et Sarkozy qui ne possédaient pas d'activité directement liée à la presse, Berlusconi commença sa carrière politique avec un avantage de taille : son empire médiatique. Fondateur de Mediaset, le directeur marketing décida de se lancer en politique vers 1994 en fondant son parti, Forza Italia, puis devint sénateur et Premier ministre la même année. Mais son style et la priorité accordée à la protection de lui-même, aussi bien juridique qu'électorale, démontrent sa volonté de s'accrocher au pouvoir par tous les moyens que son poste peut lui offrir.

 

Pour la presse, le constat est identique. Son objectif n'est pas de contrôler l'ensemble des médias mais de favoriser ses chaines (Canale 5, Italia 1, Rete 4) et les journaux fidèles (Il Giornale, Il Foglio, Libero, Panorama) afin de critiquer les chefs d'oppositions et les groupes lui étant hostiles. Pour les autres journaux, critiquer le chef du gouvernement ou même lui poser des questions embarrassantes peuvent aboutir à un procès devant servir de leçon à ceux qui n'ont pas encore osé le déranger [10]. En utilisant la justice comme un moyen de lutte contre les médias "dissidents", Berlusconi a réintroduit le crime de lèse-majesté, un coup dur contre la liberté de la presse. Ne plus pouvoir interroger un élu politique sur les problèmes liés à sa personnalité ne garantit plus le travail correct des journalistes. Ceux-ci se voient  alors offrir trois options : la déontologie risquée, la soumission au pouvoir ou le silence.

 

Bien que la propagande médiatique sert lors des élections législatives, elle ne suffit pas à maintenir une dictature silencieuse sur le long-terme. La carrière de Premier ministre de Berlusconi s'est étalé sur trois mandats dont seul le second s'est achevé suite à une défaite électorale. Finalement, ce qui posa sa perte fut son incapacité à gérer les affaires importantes tel que la crise de l'Euro en 2011 où le profil d'un technocrate compétent correspondait mieux par rapport à businessman[11]. Privé de son arme judiciaire, Berlusconi doit à présent subir ce qu'il a toujours tenté de repousser : la colère populaire, la presse d'opposition rédigeant des articles contre lui ... et la justice.

 

La volonté des uns contre la vérité des autres

 

Ces quatre situations ont démontré la volonté d'hommes politiques de contrôler les médias ou de contrer leur activité. Quelles raisons les poussent-ils à affronter les journaux?

 

Il s'agit avant tout de défendre les intérêts personnels (Trump, Sarkozy et Berlusconi) ou d'Etat (le Pentagone) en s'immisçant dans les activités journalistiques. Chacun développa une technique différente : Trump privilégie la communication directe via Twitter pour critiquer les journaux, le Pentagone et l'administration Bush utilisèrent le patriotisme post-attentat pour valoriser la guerre en Irak, Sarkozy misa sur son réseau d'amis dans les rédactions et Berlusconi employa ses médias privés et la justice contre la presse d'opposition.

 

Bien que les méthodes et les raisons soient différentes, tous partage un objectif commun : le monopole de la vérité.

 

La démocratie implique les libertés d'informer, de s'informer, de s'exprimer et de critiquer dans la limite des lois. Cependant, certains dirigeants refusent ces contraintes par égocentrisme, mégalomanie ou renfermement idéologique. Face à la masse d'informations contre leur politique et/ou leur personne, ceux-ci tentent de contourner la liberté de la presse via les méthodes décrites plus haut. Or, un élu politique doit comprendre qu'une démocratie a besoin d'une opposition pour fonctionner, pas seulement en politique mais aussi dans la société. La refuser revient à faire l'apologie de l'autocratie.

 

Au final, contrôler la totalité des médias sans tomber dans la dictature est impossible. Dans que la liberté de la presse persistera. Chaque journaliste restera libre d'informer malgré les pressions. Chaque citoyen s'informera auprès des journaux étrangers ou de la presse étrangère. S'il ne le peut, il lui restera la liberté de créer son propre journal local ou un blog pouvant servir de "presse dissidente". Internet renforce la liberté d'expression tant qu'il n'existera pas de filtres pour censurer les discussions hostiles au gouvernement.

 

Mais cette liberté passe aussi par les journaux. Les rédacteurs en chef doivent choisir entre la déontologie pour diffuser l'information la plus neutre, le business au nom de la rentabilité passant par des articles attirants plutôt qu'informatifs, et la complaisance avec le pouvoir en place pour éviter les ennuis.

 

A l'heure des mesures sécuritaires réduisant les libertés personnelles au nom de la lutte contre le terrorisme, les médias ne sont pas encore touchés par celles-ci, mais pour combien de temps? La guerre contre les terroristes ne doivent pas servir de prétexte à la censure. Les citoyens comprennent lorsque leur liberté se retrouve à un seuil critique et manifesteront pour réclamer ce que le gouvernement leur a retirée. Dans une démocratie, contrôler les médias ne permet pas de contrôler le peuple ni de rester au pouvoir indéfiniment. Il permet de renforcer l'égo de dirigeant intouchable avant de redevenir ce qu'il a toujours été depuis le début: de simples lignes dans un journal.

 



[1] "Commission Samusocial: la direction s'explique sur les primes et les comptes", RTBF, 12 juillet 2017

[2] NAKAMURA David, "Trump appears to promote violence against CNN with tweet", The Washington Post, 02 juillet 2017

[3] PARIS Gilles, "Le coup de force de Trump contre le FBI", Le Monde, 10 mai 2017

[4] OTTOSEN Rune, Fiction or News?

[5] MOUSSELLARD Olivier, "Médias américains : un an de désinformation massive", Télérama, 18 août 2011

[6] "Médias US, désinformation et perceptions de la guerre en Irak", ACRIMED, 27 janvier 2004

[7] RANGIN Magali, Sarkozy et les médias: retour sur dix ans de coups de pression, BFMTV, 07 septembre 2016

[8] Selon "Le Canard enchaîné", Sarkozy supervise l'espionnage de journalistes, Le Monde, 02 novembre 2010

[9] "Sarkozy choisit le nouveau patron de France Télévisions", Le Point, 05 juillet 2010

[10] Selon le politologue Fabrizio Tonello, "Berlusconi et les médias, ou la démocratie à l'agonie, Le Monde, 12 septembre 2009

[11] "Fin de partie pour Silvio Berlusconi, fin d'une ère pour l'Italie", 20 minutes, 27 octobre 2012