Les sanctions économiques : la punition comme solution?

Depuis l'investiture de Donald Trump, les cartes diplomatiques sont rabattues. Des menaces deviennent de futurs probables partenaires. Le changement le plus marquant, point de vue relations internationales, est le souhait du nouveau président de se rapprocher de la Russie mais cela devra passer par la question d'une mesure mise en place par Obama qui depuis envenime les relations à tel point que les sommets de paix tournent vite en dialogue de sourds ou en réunion de poker menteur : les sanctions économiques.

 

Sanction, le terme est-il bon?

 

Avant d'aborder le sujet sur l'efficacité de celles-ci, il faut d'abord rappeler ce que sont les sanctions économiques.

Il s'agit de mesures visant à forcer un pays à changer sa politique, sur un ou plusieurs sujets en particulier, ou à condamner une action entreprise. Cela passe par l'embargo sur un ou plusieurs produits, l'interdiction de faire du commerce ou d'implanter des filiales, de geler les avoirs à l'étranger de personnes proches du pouvoir et bien d'autres.

 

Cependant, sanction n'est pas le terme approprié. En effet, seules les instances supérieures peuvent réellement sanctionner un membre pour ne pas avoir respecté les règles en place que celui-ci a accepté lors de son adhésion. Or, les pays punisseurs ne sont pas supérieurs (principe de l'égalité juridique des Etats repris dans la Charte de l'ONU) et théoriquement seuls le Conseil de Sécurité de l'ONU et le Conseil de l'Europe peuvent sanctionner la Russie, je dis bien théoriquement car le premier ne peut rien faire face au veto russe et le second ne peut prendre des mesures fortes (juste une suspension du droit de vote, de quoi faire une belle jambe pour un pays dont le président et le premier ministre sont déjà connus avant les élections). Il ne faudrait donc pas parler de sanctions mais de mesures économiques contraignantes. 

 

Tant que les Etats punisseurs justifieront les sanctions par le respect du droit international qu'eux-mêmes violent, le nom ne risquera pas de changer.

 

Sanction, est-ce si bon?

 

Pour sanctionner l'annexion russe de la Crimée, les Etats-Unis et l'Union européenne ont adopté diverses mesures économiques afin de contraindre le Kremlin à restituer le territoire à l'Ukraine mais cela ne semble pas fonctionner car la Russie refuse de changer sa position. Cela laisse supposer que les effets escomptés ne sont pas présents. Pourquoi? Il existe plusieurs raisons à cela.

 

D'abord, une sanction ne peut fonctionner que si tout le monde y participe. Or, seuls les Etats-Unis et l'UE sanctionnent. Ce qui signifie qu'il existe des alternatives pour les contourner comme la Chine ou d'anciens pays de l'ex-URSS. De ce fait, la Russie en profite pour développer ses relations diplomatiques avec de nouveaux partenaires tout en se distanciant de l'Occident (un autre terme controversé qui fera le sujet d'un autre article).

 

Ensuite, la mesure vise le gouvernement en place. Sauf qu'il s'agit souvent de dictatures se préoccupant peu du sort de leur population qui trinque. L'Irak fut un exemple de l'effet pervers des sanctions car celle-ci ne bénéficiait plus des produits de première nécessité qui étaient réservés à l'élite politique.

 

Lorsque je parlais d'alternatives, le gouvernement ne peut pas seulement se tourner vers d'autres pays. Il peut aussi utiliser des paradis fiscaux pour créer des sociétés offshores et réaliser ainsi des transactions financières malgré les sanctions qui le leur interdissent. C'est ce que font la Syrie et la Corée du Nord.

 

Enfin, il est possible d'utiliser les sanctions à son avantage en appelant la population à résister face à cette agression. Il ne faut pas sous-estimer la puissance du nationalisme, surtout en Russie où elle est très présente dans le cœur des citoyens. Un peuple qui résiste en se rapprochant de son gouvernement rend l'embargo moins efficace. Cuba est un bon exemple car le régime castriste est toujours en place malgré l'embargo étasunien censé entraîner sa chute, même s'il faut relativiser en se rappelant l'aide soviétique pour palier les pertes liées à l'exportation restreinte.

 

N'oublions pas que la punition s'applique aussi à ceux qui la délivrent. Les exportateurs ne sont pas contents d'apprendre qu'ils ne peuvent plus vendre leurs produits à un important client. Et les mesures prises par leur gouvernement pour compenser les pertes ne suffisent pas pour rattraper leur chiffre d'affaires. Il arrive même que les sanctions économiques soient abandonnées précocement si les pertes sont trop importantes et si le sanctionné est un partenaire commercial intéressant. Qui voudrait sanctionner la Chine et se priver ainsi d'un marché important?

 

Sanctions à l'abandon?

 

Ces arguments démontrent que les sanctions économiques ne sont pas toujours efficaces, les effets prévus ne se réalisent pas. Doit-on dès lors abandonner cette option? Pas vraiment.

 

Les sanctions économiques sont plus efficaces si elles sont adoptées légitimement comme celles votées au Conseil de Sécurité de l'ONU. Je dis bien plus efficace et pas toujours car la Corée du Nord persiste dans son programme nucléaire malgré les nombreuses condamnations pourtant soutenues par la Chine, le principal allié du gouvernement nord-coréen, en raison des autres arguments évoqués.

 

Donc, au final, tout ça pour rien? Pas si sûr. L'accord sur le programme nucléaire iranien serait lié aux sanctions en raison de l'inflation et les exportations restreintes du pétrole. Reste à vérifier s'il ne s'agirait pas plutôt d'un rapprochement diplomatique de la part des modérés mais les sanctions peuvent y avoir jouer un rôle.

 

Le principal problème des Etats qui sanctionnent est qu'ils pensent que les mesures prisent vont directement modifier le comportement du sanctionné pour qu'il adopte celui qu'ils désirent. Sauf qu'ils donnent plutôt l'image d'une puissance faible ne disposant pas de moyens forts pour contraindre un pays disposant de plusieurs avantages diplomatiques. Les sanctions économiques ont donc une portée symbolique en se disant que c'est mieux que rien.

 

 

Aujourd'hui, les Etats-Unis envisagent de retirer les sanctions contre la Russie en échange d'une meilleure coopération contre le terrorisme international. Preuve qu'elles ont échouées? C'est plutôt le signe de leur inefficacité par rapport aux prévisions mais cela reste une monnaie d'échange. Disons que le poisson fut trop gros pour l'affamer et la mer trop grande pour l'emprisonner.  

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