Les sondages ne font pas des vagues.

En ce jour de 9 novembre, deux mois après les commémorations d'un attentat meurtrier commis sur le sol des Etats-Unis, une autre onde de choc a bouleversé le monde : Donald Trump est élu Président.

 

Il ne faut pas se le cacher, c'est une surprise pour beaucoup d'entre nous. Pas seulement parce qu'il a affronté Hillary Clinton qui reste une grande pointure démocrate et politique, qu'il fut considéré tout au long de la campagne comme un comique racontant une mauvaise blague sur scène, mais parce qu'il a réussi là où tout le monde prédisait sa défaite : il a trompé les sondages.

 

Dans un précédent article, j'avais mis en garde l'emploi de ce procédé pour déterminer le comportement électoral de la population. Et j'avais raison. Combien se sont-ils dits que c'était fini, Clinton allait poser son popotin à la Maison blanche comme si elle venait d'acheter une nouvelle habitation tout en étant une vendue corrompue selon son adversaire? Si la réponse est oui, alors vous vous êtes faits berner par les sondages, comme eux.

 

Sonder le fond de ma pensée

 

Qu'est-ce qu'un sondage? Il s'agit d'une enquête d'opinion où, sur base d'un échantillonnage défini sur des critères qualitatifs (âge, situation socio-économique, etc) et quantitatifs (le nombre d'individus), elle est sensée représenter la pensée actuelle de la population à une échelle géographique. Voilà déjà un gros bémol : comment une infime partie de la population peut-elle représenter la globalité? Il est impossible d'interroger tout le monde mais il est aussi inconscient de donner à une minorité le luxe de devenir le porte-parole de tout un pays.

 

Surtout lorsqu'il est divisé en plusieurs zones administratives, celles que nous voyons constamment. Il y a aussi les zones culturelles qui sont invisibles et peu présentes. Cependant, ce critère change la donne car si le sondage est réalisé dans un bastion de X, assurez-vous d'obtenir des résultats peu crédibles. Oui, c'est vrai, un expert ne commettrait pas ce genre d'erreur en se rendant dans plusieurs régions, cela reste un principe pour réaliser des sondages bidons. Vous savez, ceux sensés dire qu'un plan ou son concepteur est génial alors que tout le monde (selon un autre sondage) serait prêt à lui cracher dessus.

 

De plus, il est réalisé à un moment précis. Or, le monde change vite. Tout peut arriver entre temps. Un candidat montré comme vaincu resurgit et fait sensation, le favori est impliqué dans un scandale, la voiture du voisin a explosé suite à un mauvais entretien donc il y a un attentat perpétré par un guignol puis récupéré par un autre pour grappiller les indécis. Bref, un sondage est sérieux s'il est réalisé sur une large période et comprend les éléments de l'actualité. Une des erreurs des sondeurs est d'en faire un juste après une attaque terroriste, le résultat est souvent plus élevé que la normale saisonnière.

 

Il faut aussi tenir compte des indécis, leur choix futur pouvant influencer le résultat final. Les opinions déclarées peuvent changer. Croire qu'une réponse reste figée est une grossière erreur : non seulement le sondé peut changer d'avis, il peut aussi décider de ne pas aller voter. L'électorat indécis est volatile, son choix peut changer à tout moment.

 

Enfin, les questions posées ont toute leur importance. Une réponse n'équivaut pas une autre, il faut parfois nuancer les propos du sondé et tenir compte des explications fournies justifiant celle-ci.

 

L'échec n'est pas toléré selon les sondés

 

Lorsque des lecteurs consultent les sondages, ils oublient parfois qu'il ne s'agit que d'une étude d'opinion, pas une prédiction divinatoire. C'est la principale raison de la surprise suscitée par la victoire de Trump, alors que la majorité (voire la totalité) des sondages le donnait perdant. Ce n'est pourtant pas le seul exemple de leur erreur.

 

Lors des élections législatives israéliennes de 2015, les sondages donnaient la formation centre-gauche dirigée par Isaac Herzog gagnante. Au final, ce fut le Likoud, parti nationaliste au pouvoir, qui les remporta, permettant au Premier ministre Benyamin Nétanyahou de rester en place en formant une coalition avec des partis plus conservateurs. La coalition sensée remporter des sièges en a perdus. Pourquoi un tel revirement? Les sondages se basaient sur la colère populaire à propos de l'inflation et le coût de la vie, la coalition s'est trop reposée sur cette contestation, Netanyahou a répondu par un argument de prédilection : l'insécurité provoquée par les Palestiniens. La sécurité en Israël, c'est comme leur terre, c'est sacrée.

 

Idem en Espagne en 2016 où les sondages donnaient Podemos, une nouvelle formation d'extrême-gauche, gagnante en enfonçant l'arène politique pour occuper une place importante face aux libéraux du Premier ministre Mariano Rajoy. Erreur : Podemos occupe certes une bonne place au parlement mais pas assez pour renverser la vapeur libérale, gagnante des élections, et les socialistes, l'autre force du pays. Les sondages croyaient que la gronde populaire se montrerait plus favorable envers ce parti, ce ne fut pas le cas.

 

Et terminons cette démonstration par la plus belle avant Trump, le Brexit. Certes, les sondages prédisaient des résultats tendus avec une faible majorité pour le Remain. Finalement ce fut l'inverse. Le Leave l'a emporté. Pour ce cas là, difficile de les blâmer car ils ont eu raison, en partie. Les électeurs étaient divisés sur la question, et les études le démontreront par la suite qu'il est possible de réaliser plusieurs graphiques selon la couche démographique et le pays pour déterminer l'électorat des deux camps. Les résultats sont étonnants : le Leave serait principalement composé de personnes âgées et a atteint son meilleur score en Angleterre. Des nostalgiques de l'Empire britannique? Des nationalistes considérant l'UE comme une atteinte à l'honneur du vainqueur de la seconde guerre mondiale? Ce ne sont que des clichés. Les sondages n'ont pas pu le prédire car les études furent réalisées sur base de l'ensemble de la population, une simplification employée pour montrer un échantillon plus varié et donc plus représentative.

 

Adieu les sondages ?

 

Devrait-on arrêter de réaliser des sondages suite aux erreurs démontrées dans cette article? Ce n'est pas le but. Cela reste des études intéressantes si le lecteur prend la peine de réfléchir et d'analyser en détail les résultats. Il ne faut pas s'y attacher ni en faire une sainte vérité car cela devient dangereux, surtout pour les candidats concernés.

 

Ceux qui occupent une belle place croient la victoire acquise tandis que les perdants peuvent se démoraliser ou au contraire reprendre courage pour tromper le diagnostic. Il arrive même que des élus en font une obsession, prêt à débourser des millions en sondages pour conforter leur politique générale.

 

La conclusion est la suivante : les sondages ne doivent pas servir à prédire l'avenir ni à conforter une idée actuelle, ce ne sont que des photos floues dont le photographe les présente comme une vitrine du monde qu'il observe. Ceux qui y croient seront les premiers étonnés, ceux qui ont pris du recul sauront que personne n'est devin. Et ceux qui aiment le sport sont bien placés pour ne pas croire à 100% les pronostics.

 

Si vous lisez un sondage, prenez le temps de réfléchir, d'analyser, de comprendre pourquoi tel parti ou tel candidat obtient ce résultat, pourquoi cela change dans le temps, pourquoi dans cette zone c'est plus élevé que dans une autre. Selon un sondage inexistant, combien seront-ils prêts à pousser plus loin la réflexion?

 

Articles utilisés:

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/03/17/resultats-serres-aux-legislatives-israeliennes_4595582_3218.html

http://www.leparisien.fr/international/elections-legislatives-en-espagne-le-royaume-en-quete-d-un-gouvernement-stable-26-06-2016-5916119.php

http://www.huffingtonpost.fr/2016/06/24/comment-les-sondages-sur-le-brexit-ont-rate-la-victoire-du-leav/

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