Rio de Janeiro : quand les JO tournent au cirque.

Ah, Rio. Quand on entend ce nom, on pense directement au Brésil et ce qui font sa renommée : le carnaval avec les danseuses presque dénudées et les paillettes qui volent de partout (les paillettes, pas les danseuses), les plages chaudes, la passion du foot (sauf lorsqu'on perd 1-7), la criminalité avec les vols à la tire et les favelas qui s'amoncellent près des quartiers riches. Ah, le Brésil. Tant de contrastes et d'oppositions dans un large pays. Mais les caméras sont surtout braquées pour l'ouverture des Jeux Olympiques de Rio de Janeiro avec la cérémonie qui a offert du grand spectacle pour les yeux. Ce qui devait cependant être un moment de joie se transforma en une soirée de contestation perceptible par les manifestations dans les rues et les huées dont Michel Temer, le président par intérim, en fut victime lorsqu'il déclara officiellement l'ouverture des JO. Il n'a pas tort : les jeux sont ouverts mais pas seulement les olympiques, les politiques le sont depuis le début de l'année et contrairement aux JO, on ne sait pas quand ils vont se terminer ni ce qui va en rester après.

 

Brève description du Brésil

 

En quelques mots, le Brésil est un pays d'Amérique latine, ancienne colonie portugaise, d'une superficie d'un peu plus de 8,5 millions km² et comptant environ 200 millions d'habitants. L'actuelle présidente est Dilma Roussef (du PT ou Parti travailleur) depuis le 26 octobre 2014 mais suite à des accusations de falsifications budgétaires en vue de sa réélection, une procédure d'impeachment est en cours où elle est actuellement écartée et remplacée par intérim par son vice-président Michel Temer (du PMDB ou Parti du Mouvement Démocratique au Brésil)[1]. Tel Serge Kubla privé du bicentenaire de Waterloo, Dilma Roussef se voit privée des JO qui aurait pu la placer devant les projecteurs du monde. Mais au fond, se serait-elle aussi fait huer ? Au fond, son écartement serait bénéfique pour sa personne.

Mais comment décrire le Brésil aujourd'hui ? Big bordel, c'est le chaos car les problèmes actuels (re)surgissent durant la préparation et la construction du village olympique. Corruption dans le milieu politique, conflit d'intérêt entre politique et entreprise publique avec une dose d'interventionnisme, Petrobas qui entre sans le vouloir dans l'arène médiatique. Faute grave par camouflage budgétaire pour les uns, coup d'Etat avec collusion de la justice pour les autres, c'est le défilé des clowns (sans les danseuses dénudées car c'est un cirque, pas un carnaval, quoique).

 

Rien ne va plus

 

Ce cirque politique s'explique par plusieurs facteurs : outre la rivalité politique, la situation économique s'est dégradée entre l'octroi en 2009 des JO et la situation actuelle. Faites entrer les fauves, ils ne feront qu'une bouchée de leur dompteurs. Les manifestations éclatent, des manifestants vont jusqu'à essayer d'éteindre la flamme olympique durant son parcours, la colère gronde comme les lions et les tigres qui rugissent pour impressionner le public. Et la gronde est compréhensible : difficile d'accepter qu'on dépasse allègrement le budget olympique de plusieurs milliards, alors que la santé financière n'est pas joyeuse, plutôt que d'injecter dans le secteur public pour combattre la pauvreté. Qu'on préfère raser les favelas pour construire des bâtiments aussi vétustes que les bâtisses détruites (à ce prix là, autant reconvertir directement les favelas en village olympique). Et la blague passe mal lorsqu'on s'aperçoit que l'Etat de Rio est endetté à tel point qu'il n'est plus capable de payer ses fonctionnaires dont la police qui doit assurer la sécurité contre le banditisme et le terrorisme. Pour la population, une seule explication : la corruption et le gaspillage qui en découle ont trop duré, il faut du changement.

 

Vous l'aurez compris : les JO sont un spectacle dont les spectateurs ne comprennent pas le numéro qui se joue, le cirque se transforme en une série à suspens où chaque épisode apporte son retournement de situation. Et ce n'est pas prêt de se terminer : la procédure de destitution est toujours en cours, les manifestations aussi.

 

Semaines olympiques : apaisement ou ouragan ?

 

A présent, les compétitions ont commencé. Les manifestations aussi ? Faut voir. Une médaille peut vite changer l'actualité. Les gens sont contents pour la victoire d'un athlète, on oublie le problème durant la joie, ceux qui se sentaient visés par les critiques en profitent pour récupérer l’événement en le détournant médiatiquement. Ca peut fonctionner mais pour un cours instant, on n'oublie pas rapidement ce qu'il se passe dans son pays.

 

Et après la cérémonie de clôture ? Là, le mécontentement peut se poursuivre comme durant les préparations. L'incertitude demeure quant à l'avenir politique du pays mais aussi des éventuelles retombées économiques qui au final s’avéreront peu profitable en raison des dépenses trop élevées pour engendrer des bénéfices ou de la captation par les élites (politiques et financiers).

 

Au final, qui seront les gagnants et les perdants ? Pourrait-on dire qu'il n'y aura que des perdants ? Les pauvres qui vivent dans les favelas (s'ils n'ont pas été rasés) constatent où va l'argent public, l'élite politique qui espéraient redorer le pays se voit éclaboussée par les scandales.

 

Le spectacle continue

 

Donc, comment décrire ce cirque où les clowns jouent les acrobates pour éviter de se retrouver dans la gueule des fauves ou dans leur cage ? L'économie ne sera pas florissante grâce au miracle olympique qui n'est qu'un mirage pour ceux qui l'organisent. Pour la politique, c'est plus simple.

 

Vous connaissez l'émission "Tout le monde veut prendre sa place" ? Un jeu télé où le champion assis dans son canapé affronte des candidats qui veulent le destituer pour à leur tour y siéger. Ici, c'est pareil : les mieux placés veulent le canapé de la présidence du Brésil. Entre Dilma Roussef qui veut garder sa place, Michel Temer qui espère la ravir en passant de CDD à court terme à CDD à plus long terme, et Luiz Inacio Lula da Silva qui espère revenir malgré les scandales qui le frappent aussi.

 

Qu'ils se rassurent : en prison, tout le monde aura sa place. Quant aux JO, ils auront aussi leur place dans l'histoire comme un événement où contestation populaire, scandales financiers, corruption, et manège politique seront les étiquettes de référence. Un cirque à ne pas oublier.

 



[1] http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/bresil/presentation-du-bresil/

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